L'histoire de l'église et de la paroisse de Bourg-des-Comptes est très ancienne. En effet à partir du IXe siècle, la paroisse dépendait alors majoritairement de deux abbayes, Saint-Sauveur de Redon et Saint-Jacques de Montfort, et c'est au XIVe siècle les biens, ainsi que les droits des deux monastères furent récupérés par la seigneurie du Boschet. Les seigneurs du château se succédant au fil des siècles, celui-ci fut revendu à différentes familles pour finalement appartenir aux Brossais-Saint-Marc ! Ce nom ne vous ait certainement pas inconnu sur ce site, car l'un des membres éminents de cette famille fut le Cardinal Godefroy Brossais-Saint-Marc, évêque, puis premier archevêque de Rennes à partir de 1859. Vivant donc à Bourg-des-Comptes et alors très influents dans la paroisse, c'est en 1837 que la décision de l'édification d'une nouvelle église fut engagée selon une technique d'architecture alors à, l'époque toute nouvelle. Érigée dans un style néo-gothique très vertical, ce dernier n'avait en effet jamais été utilisé jusqu'ici dans le diocèse.
Cependant, juste avant d'aller plus loin dans cette présentation, je tiens à faire un petit retour en arrière pour une remise en contexte. Les parents de Mgr Saint-Marc étant propriétaires du château du Boschet de 1802 à 1883, ce fut leurs prédécesseurs, la famille Lescouêt, qui fit construire une chapelle dédiée à Sainte-Anne, celle-ci étant adossée à l'ancienne église. Cette ancienne église était située en contrebas par rapport à l'emplacement actuel. Très ambitieux pour sa commune natale, Mgr Saint-Marc entreprend la grande église de Bourg-des-Comptes que nous connaissons aujourd'hui. Au départ, cela n'a pas été facile de convaincre la municipalité car en 1850, la commune ne comptait que 1700 habitants et l'ancienne église était alors suffisante. Toutefois le Cardinal Saint-Marc ayant une grande influence auprès des autorités de l'État. Il parvint faire l'acquisition du terrain pour bâtir le nouvel édifice et trouver l'emplacement pour un nouveau cimetière.
Ainsi, l'église fut conçue selon les plans de l'architecte Charles Langlois, les travaux ayant quant à eux été supervisés par Édouard Brossais-Saint-Marc, frère de l'archevêque, qui les nomma tous les deux pour la réalisation du chantier. Par ailleurs, Édouard s'est tellement impliqué que l'on retrouve une quinzaine d'églises dont il a eu la gestion dans le département.
Bien que la construction se soit principalement achevée en 1847 telle que nous la voyons aujourd'hui, d'autres travaux étaient prévus comment en attestent les plans initiaux. Cependant, sa mère bénéficiant d'une certaine fortune, décède et le Cardinal manquait ainsi d'argent pour aller plus loin.
Cependant, ces problèmes financiers n'empêcheront pas de doter l'intérieur de l'édifice d'un mobilier très intéressant et à la fois varié. L'archevêque choisissant les meilleurs artisans pour leur réalisation, fut désigné le rennais Jean-Julien Hérault. Quant à la statuaire, on confia la mission à Jean-Marie Valentin, sculpteur alors réputé dans le département. Les archives ne pas très bavardes à propos du mobilier jusqu'en 1867, sauf pour les statues. En effet, Monsieur Valentin sculpta la statue de la Vierge, située sur la façade de l'église et fut bénie le 25 novembre 1865.
Le majeure partie du mobilier provenant des ateliers Hérault (actifs de 1840 à 1880), le maître-autel semble toutefois avoir été créé pour la consécration de l'église en 1851. Remarquable de par sa légèreté, la finesse de ses ornementations, la polychromie, très soignée sur cette œuvre, fut réalisée bien plus tard en 1902, par l'entreprise Briouze, qui réalisera également les décors des statues dans l'édifice. Les boiseries et autels latéraux sont achevés au cours des années 1860-1861. On y retrouve la date de consécration épiscopale de Godefroy Brossais-Saint-Marc, ainsi que de sa promotion en tant que premier archevêque du diocèse de Rennes en 1859. Tous aussi verticaux, les autels sont également très proches et remplacent deux autres autels dédiés au Rosaire et à Saint-Jean, qui avaient été réemployés en attendant les fonds nécessaires.
L'autel de la Vierge abrite une belle statue en métal, encadré par deux sculptures de Jean-Marie-Valentin, représentant Sainte-Anne et Saint-Joseph - ces deux dernières devaient être initialement installées dans le retable - créations reprises par la suite pour d'autres édifices, toutefois sans polychromie.
L'autel de Saint-Jean est quant à lui plus complexe : fortement remanié dans sa partie centrale afin de recevoir trois nouvelles statues de Jean-Marie Valentin en 1882, dédiées au Sacré-Cœur, Saint-Jean-Baptiste et Saint-Paul). Cet autel fut finalement dévoué au Sacré-Cœur.
Par la suite, ces deux dernières statues furent installées sur des piédestaux, mais jugées trop lourdes, elles furent déplacées au fond de l'église en 1949, et remplacées d'autres œuvres faites en bois, au cours du XVIIIe siècle, bien que celles-ci n'aient aucun rapport.
Un autre élément de cet autel est également très intéressant, de du fait de son originalité. En 1866, un reliquaire est offert à l'archevêque suite au pardon de Notre-Dame de Rumengol qu'il avait présidé cette année-là. Celui-ci a comme particularité de représenter le Kreisker de Saint-Pol-de-Léon.
La chaire, l'un des ajouts les plus tardifs de Jean-Julien Hérault, présente un relief du Christ rappelant les commandements de Dieu sur son panneau central. Le chemin de croix, offert en 1875, se présente au travers de toiles peintes provenant des établissements parisiens Mayoux et Honoré, dont les encadrements ont été achevés dans les ateliers Rouxel et Ledain de Rennes. Une des œuvres que je ne manquerai pas de présenter n'est nulle autre qu'une sculpture du Cardinal, faite en 1880, après sa mort, a nouveau par Jean-Marie Valentin.
Les vitraux de l'église fait partie d'une facette aussi très intéressante à découvrir. Initialement réalisés en 1846 et posés l'année suivante par les ateliers Hignette, ces derniers étaient cependant peu résistants au vent. Cela oblige leur remplacement par ceux que nous pouvons observer aujourd'hui, mis en œuvre sur une période de dix ans, entre 1875 et 1885 par les ateliers Denis de Nantes. Le vitrail de l'Annonciation dissimule par ailleurs la date de mai 1878, détail alors invisible à l’œil nu. Le début de cette année-là fut marqué par la mort du Pape Pie IX, suivie du Cardinal Brossais-Saint-Marc trois semaines plus tard.
Parmi les deux autres grandes verrières consacrées à la Vierge-Marie (en lien avec le vocable de l'édifice), De nombreux autres vitraux peuvent-être observés, dont en voici quelques exemples : Saint-Pierre recevant les clefs, la Conversion de Saint-Paul, Saint-Dominique recevant le Rosaire, Saint-Godefroy et Saint-Édouard (saints patrons des frères Brossais Saint-Marc), ou encore plus rare, une représentation de Clovis et de Sainte-Thérèse-d'Avila. Pour plus de détails, je vous invite à vous reporter aux liens que vous trouverez à la fin de cet article.
revenons sur les travaux effectués sur l'église au fil des années. Suite à une importante tempête, c'est au début de l'année 1875 que de lourds travaux (en plus de la réalisation des nouvelles verrières présentées plus haut), furent réalisés. En 1892, l'horloge fut réparée pour la somme de 125 francs de l'époque (ce qui reviendrait à 560€ d'aujourd'hui). Plus tard, la toiture, les voûtes et fenêtres, ainsi que la chambre des cloches, furent réparés. La couverture et les plafonds ont été restaurés en 1936. Une statue dédiée au Saint-Curé d'Ars fut érigée en 1958 et installée près du transept sud.
Enfin, un chantier de restauration colossal fut lancé en 2006, pour un montant total de 600000€ subventionnés en, partie par le département. Ces travaux ont concerné la rénovation des boiseries du chœur, le remplacement du sol par du béton et de la chaux, sur lequel repose un nouveau parquet en châtaigner. En effet, l'ancien bois était pourri et reposait sur des lambourdes à même la terre. Ainsi, c'est donc grâce à tout ce travail acharné, complété au fil des années suivantes que l'église de Bourg-des-Comptes put retrouver fière allure.
Avant de vous présenter l'ensemble campanaire tout aussi exceptionnel que l'église elle-même, je tiens à vous présenter ci-dessous diverses photos de l'intérieur de l'église lors de notre visite
Les cloches
Le clocher de Bourg-des-Comptes à la pointe effilée et dominant sur la place de l'église possède un ensemble campanaire de trois cloches de grande taille, ce qui n'est pas courant dans le secteur autour de la Vilaine. En effet disposées dans une chambre des cloches sur trois niveaux, ces dames de bronze sont disposées de la façon suivante : la première à hauteur des combles, la seconde se trouve directement au troisième étage juste en-dessous de la flèche, la troisième étant installée entre les deux autres. Donnant les notes du Fa#3; Ré#3, et Si2, nous nous trouvons ainsi devant une sonnerie dit en "accord majeur", et ce avec un bourdon, chose exceptionnelle car il s'agit du seul ensemble campanaire de ce type dans la vallée de la Vilaine ! En outre, l'histoire de cette sonnerie est très intéressante. À l'origine, nous savons que deux cloches, dont un petit bourdon d'un peu plus de deux tonnes avaient été réalisées en 1845 par le fondeur Ernest Bollée du Mans, au cours de la construction de l'église. Cependant, à partir de 1863, un projet de réalisation des trois cloches voit le jour, tel que nous les connaissons aujourd'hui. Dans un premier premier temps, le bourdon fut refondu et augmenté par Paul Havard de Villedieu-les-Poêles et porte le nom de "Marie-Victoire-Aimée". Il fut offert par Édouard Brossais-Saint-Marc, frère de l'archevêque en fonction à cette époque. D'un diamètre de 1662mm pour un poids de 2590kg, il s'agit d'un mastodonte en profil lourd, attestant ainsi des moyens financiers dont disposaient aussi bien les habitants que les autorités de l'époque. Six ans plus tard en 1869; la seconde cloche de 1845 fut refondue par Adolphe Havard, fils de Paul, en ajoutant une troisième. Offertes elles-aussi par Édouard Saint-Marc, la plus grande des deux fut nommée "Louise-Marie" et pèse 1355kg pour un diamètre de 1355mm. La petite se prénomme quant à elle "Pauline-Marie". d'un diamètre de 1150mm, et une masse de 823kg, ces deux cadettes bien que plus légères par rapport au profil de leur ainée, restent tout de même bien imposantes compte-tenu de l'espace restreint dans le clocher.
À propos de l'installation technique de l'ensemble campanaire, celle-ci à fait l'objet de travaux importants effectués en deux phases. La première eut lieu tout d'abord en 2006 avec la remise en état du système (jougs et moteurs) de deux des trois cloches. En effet, le bourdon n'ayant pu en bénéficier pour faute de moyens, restait à l'arrêt. Il faut attendre 2014 pour que des donateurs souhaitant qu'il puissent sonner à nouveau, se mobilisent pour une campagne de dons. Le coût de la rénovation s'élevant à 11000€, Ce seront 8600€ qui seront collectés, le reste étant financé par la commune.
À l'origine en lancé-franc avant la restauration, les deux petites ont donc été remontées en rétrograde pour des raisons probablement structurelles, ou de stabilité du clocher. Jusqu'à sa restauration, le joug du bourdon monté pour du lancé-franc était par ailleurs très abimé et se déplaçait de travers. Passé lui aussi en volée rétrograde, il peut ainsi sonner à la volée en toute sécurité. À ce propos, comme vous pourrez le voir sur les photos une plaque en bois recensant les noms des donateurs ayant contribué à la remise en fonction du bourdon est fixée sur le beffroi, près des combles. Malheureusement avec lers années, celle-ci est devenue presque illisible. La réfection des abats-sons effectuée en 2020 fut les derniers travaux en date. Pour finir, bien que la cloche 3 soit la plus puissante de la sonnerie lorsqu'on l'écoute sur la place, le rythme de leur volée rétrograde est excellent et s'écoutent à merveille.
Nom: Marie-Victoire-Aimée Note: Si2 Date: 1863 Poids: 2590kg Diamètre: 1662mm Fondeur: Paul Havard à Villedieu-les-Poêles
Inscriptions sur la cloche :
JE M APPELLE MARIE VICTOIRE AIMEE
J AI ETE NOMMEE UNE 1re FOIS PAR
Mr VICTOR DE BERRU
ET Dme AIMEE COUARDE Ve SAINT MARC ET UNE 2me FOIS PAR Mr PAUL DE BOTHEREL
ET Dme AMELINE JAMBIN Ve FRESNEAU
PAUL HAVARD A VILLEDIEU ; VENDUE PAR MADIOT DE RENNES
BENITE PAR Mgr SAINT MARC
1er ARCHEVEQUE DE RENNES
ET DONNEE PAR Mr EDOUARD SAINT MARC
SOUS LE RECTORAT DE Mr MESSU
SUCCESSEUR DE Mr REGNAULT
M M
HOUSSIN GUERIN ET DE LA GRIEE VICAIRES
VIVE JESUS ET MARIE
ANNO MDCCCLXIII
Nom: Louise-Marie Note: Ré#3 Date: 1869 Poids: 1355kg Diamètre: 1335mm Fondeur: Adolphe Havard à Villedieu-les-Poêles
Inscriptions sur la cloche :
Mgr GODEFROY SAINT MARC ARCHEVEQUE DE RENNES
Mr EDOUARD SAINT MARC
BIENFAITEUR INSIGNE DE LA PAROISSE
M M
J. M. CORBIERE RECTEUR
AUBRY
VOITON VICAIRES
P. LEPINAY
I. BLOUET
J. LECOMTE F. FRESNEL FABRICIENS
1869
NOMMEE LOUISE MARIE DE BOURG DES COMPTES
PAR Mr L ABBE PIERRE LOUIS VALLEE
ET Mme LOUISE MARIE FRESNEAU
ADOLPHE HAVARD A VILLEDIEU MANCHE ; VENDUE PAR MADIOT DE RENNES
Nom: Pauline-Marie Note: Fa#3 Date: 1869 Poids: 823kg Diamètre: 1150mm Fondeur: Adolphe Havard à Villedieu-les-Poêles
Inscriptions sur la cloche :
Mgr GODEFROY St MARC ARCHEVEQUE DE RENNES
Mr EDOUARD St MARC
BIENFAITEUR INSIGNE DE LA PAROISSE
M M
J. M. CORBIERE RECTEUR
AUBRY
VOITON VICAIRES
P. LEPINAY
I. BLOUET
J. DENIS
J. LECOMTE F. FRESNEL FABRICIENS
1869
NOMMEE PAULINE MARIE DE BOURG DES COMPTES
PAR Mr PAUL MARIE VATAR
ET
Melle MARIE AMELIE RENEE GAULTIER DE LA GUISTIERE
ADOLPHE HAVARD A VILLEDIEU MANCHE ; VENDUE PAR MADIOT DE RENNES
Afin de compléter la description de cet ensemble à la fois impressionnant et tout aussi atypique vous pourrez trouver ci-dessous d'autres photos complémentaires, faites au cours de notre visite
La vidéo
Nous adressons nos sincères remerciements à la municipalité de Bourg-des-Comptes, en particulier Monsieur C. LEPRÊTRE, Maire de la commune pour nous avoir autorisé l'accès au clocher afin de mettre en valeur et inventorier l'ensemble campanaire de l'église. Un grand merci également à Madame P. JEGO, Directrice Générale des Services pour la prise en charge de la demande. Enfin nous tenons à adresser nos sincères remerciements à Monsieur M. BACHELOT, historien et spécialiste de la commune, pour son chaleureux accueil, sa disponibilité et les sympathiques échanges que nous avons eu au cours de notre visite. Pour ma part, je tiens à remercier chaleureusement mes acolytes campanaires du jour, Matthieu JULES, son frère Sébastien ainsi que Lucas JORET, pour avoir accepté mon invitation, leur présences et leur aide très qui fut très précieuse pour la réalisation de l'inventaire ainsi que pour les nombreuses rigolades. Je les remercie également pour leur contribution et la mise à disposition de leur matériel pour la réalisation de cette vidéo, car sans eux, tout l'aboutissement de ce travail n'aurait pas été possible !
Sources des textes utilisés pour l'article :
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